Créole(s) et créolisation

Au seuil d’une nouvelle Somène kréol, je vous propose un point sur ce que recouvre les notions de créole et de créolisation. À quoi on pourrait ajouter : créolité et créolie.

Ces deux termes vont s’évacuer très vite car il s’agit essentiellement de mouvements littéraires. 

La créolité, est un concept proposé par les écrivains antillais visant à définir le mouvement de défense des valeurs culturelles et spirituelles propres aux créoles des Antilles françaises.

Créolie et créolité

La créolie lui est proche, mais spécifique à La Réunion. C’est un mouvement littéraire défini au départ par le poète Jean Albany, au début des années 70,  il s'est développé  grâce à des personnalités comme Gilbert Aubry, poète et évêque de La Réunion, qui l’a redéfini comme une quête culturelle de l'identité réunionnaise, en vue de favoriser les solidarités réunionnaises en fonction de l'unité de la population et d'une conscience collective " ou encore " une manière de vivre, de sentir, de respirer et d’aimer en terre de créolie. " On peut y adjoindre d’autres auteurs, comme Jean-François Sam-Long par exemple. On voit alors que la créolie recouvre un ensemble plus large que la créolité des Antillais.

La créolisation, concept forgé par l’immense auteur martiniquais Edouard Glissant (1928-2011), met tout le monde d’accord. De son point de vue théorique, La créolisation est la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments. Autrement dit, la créolisation a peu à voir avec le simple métissage. Ce serait, dit dans un langage plus simple, la fusion de plusieurs éléments au départ distincts, mais qui présente maintenant une unité. Et là nous voyons bien que nous y sommes tous.

Edouard Glissant (1928-2011)

Pour autant, s’agissant du mot " créole ", nous nous accordons tous sur ce que cela recouvre lorsqu’il s’agit de langue(s). Le créole, ou plutôt les créoles sont des langues mixtes nées entre le 16ème et le 19ème siècle, suite au contact entre les langues européennes et celles des populations serviles des anciennes colonies. Donc une genèse et une nature commune, même si ces langues peuvent être différentes considérant les différences entre les langues de contact : on ne parle pas le même créole à La Réunion, en Jamaïque, ou au Cap-Vert…

Lorsqu’il s’agit de personnes, la situation se complique.

Pour ne considérer que les territoires qu’on connaît le mieux, à La Réunion, chacun peut se dire Créole, quelle que soit sa couleur de peau. S’il est aussi Malbar, Zarab, ou Chinois…  il le fera surtout pour se différencier de celui qui ne sera pas créole, autrement dit, de l’étranger. Le critère " être né dans l’île " qui était opératoire aux temps historiques, ne vaut plus actuellement, du fait de la naissance de nombreux Créoles en dehors de l’île.

A l’île Maurice, on appellera Créole, uniquement les descendants des anciens esclaves, autrement dit, les personnes présentant au physique plus ou moins noir, plus ou moins négroïde. Sera Créole par défaut, celui qui ne sera ni Indien (hindou ou musulman), ni Chinois, ni Blanc.

Ce sera encore différent aux Antilles, en Louisiane ou ailleurs.

Par contre, on conviendra que l’usage de la langue créole renforce l’identité créole. A ces notions d’identité et de langue, il faudra bien ajouter celle de culture.

Ce sont ces trois notions imbriquées qui seront célébrées chez nous, pendant cette Somène kréol, autour de la journée du 28 octobre, Journée internationale créole dans différentes parties du monde.

D’où vient cette journée ?

Peut-être aurait-il fallu commencer par là.

C’est en 1983, à l’occasion d’un colloque intitulé " Bannzil kréol " que cette journée a été décrétée par les intellectuels et acteurs culturels participants, convaincus de la parenté, voire de la similarité, entre Créoles et créolophones de tous les pays.

Depuis, aux Seychelles par exemple, l’un d’un pays où le créole est langue officielle, la journée est devenue un festival qui dure plusieurs jours. Dans d’autres régions, comme chez nous, c’est devenu une semaine, toujours la dernière du mois d’octobre.

Les manifestations à La Réunion

De nombreuses manifestations et festivités sont programmées pendant cette semaine dans toute l’île. On en trouvera les détails sur les sites des municipalités et des structures culturelles.

Pour ma part, à l’invitation de Bernard Batou, le mardi 26 octobre, je serai à la Médiathèque Aimé Césaire de Sainte-Suzanne de 10h à 16h. Le matin pour présenter la littérature créole à des collégiens et lycéens, l’après-midi avec d’autres auteurs, pour présenter nos ouvrages aux visiteurs.

Le jeudi 28 de 18h à 20h au CRR Gramoune Lélé de Saint-Benoît, je participerai à un sobatkoz (conférence-débat) sur le thème : " Le créole, gardien de notre identité ", accompagnée de mon dalon Eric Naminzo.

Du 23 au 30 octobre, l’Association Famille Maxime Laope propose à Saint-Denis divers ateliers pour adultes et enfants autour des tisanes, de la pâtisserie (" bonbons zarab "), et de la peinture. Voir le programme sur la page FB de Bann Laope.

Enfin, n’oublions pas la manifestation la plus importante, le point d’orgue de la semaine : Les Etats-Généraux du Multilinguisme qui se tiendront du 25 au 28, sous l’égide la DAC-OI.

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