Paroles d'auteure avec Marie-Line Ampigny

Je suis une amoureuse des mots, et ce depuis l’adolescence. D’abord des mots écrits, ce qui m’a poussé à dévorer des livres, à connaître des auteurs de chez moi et de partout (dramaturges, poètes, romanciers, etc) , puis à incarner les mots sur scène, les jouer et les partager avec le public en tant que comédienne pendant 20 ans, et enfin à les écrire, en tant que journaliste culturelle, puis en tant qu’auteure de nouvelles et de contes. Les mots lus, écrits, dits me nourrissent..

Quelle place pour les femmes dans le monde littéraire ?

Selon moi, il reste des places pour les femmes dans le monde littéraire. Comme dans bon nombre de domaines, les femmes sont présentes, et en littérature superbement représentées, mais elles n’ont pas encore donné toutes leurs mesures, leurs diversités et leurs étendues. Ce que je dois dire tout de même, c’est que celles qui figurent dans le paysage littéraire, le font magnifiquement, avec leurs univers singuliers, leurs riches sensibilités et leurs plumes trempées dans l’encre du talent. Mais il reste encore des places pour d’autres femmes. Elles sont espérées, attendues…

La femme apporte-t-elle quelque chose en plus ?

La femme a une sensibilité et une manière de vivre et de voir le monde qui lui sont propres, et donc une expression, une façon de les écrire, qui lui est particulière.

Les femmes ajoutent à la richesse des choix pour les lectrices et lecteurs, avec leurs styles, leurs sujets, le traitement de celui-ci, leurs voyages intérieurs, leurs périples,  leurs émotions, et la façon de nous les raconter.  Par exemple, j’ai pu voir que même si le cœur de leur ouvrage est une période, un moment de l’Histoire, un  mouvement social, un climat géopolitique, la famille et l’amour restent des éléments essentiels dans leurs récits.. Et j’ajoute que très souvent, leurs descriptions des personnages sont plus ciselés, plus profonds, plus fouillés. Serait-ce à cause de cet œil à qui l’on demande de tout regarder, de tout  voir, de tout superviser, avec bienveillance et rigueur ? Je ne sais//..

Des auteures inspirantes ?

Il y a de nombreuses femmes qui m’inspirent et que j’admire en littérature. Mais en la circonstance, je donnerai mon admiration, ma gratitude, à celles qui aux Antilles, nous ont ouvert la voie.  Je cite pêle-mêle : Suzanne Césaire, Térèz Léotin, Marie Thérèse Long-Fu, Ina Césaire, Maryse Condé, Gisèle Pineau, Simone Schwartz-Bart, Suzanne Dracius, Yva Léro... 

Un mot de fin

On peut dire que pour entrer en littérature, si les femmes s'émancipent lentement et sûrement de leurs éducations et conditions  de poto mitan* dans  l'ombre, avec toutes les charges et devoirs que cela incombe, sans les lumières et les avantages. Il reste un frein majeur à leur plus grande présence. Le non partage encore fréquent des travaux et obligations domestiques. Ce qui leur prend une part de temps et d'énergies, qu'elles ne peuvent  mettre dans le travail de l'écriture.

* Potomitan est une expression créole antillo-guyanaise. Il désigne le poteau central dans le temple vaudou, l'oufo. L'expression peut aussi servir à désigner le « soutien familial », généralement la mère. Ce terme se rapporte à celui qui est au centre du foyer, l'individu autour duquel tout s'organise et s'appuie. (source : Wikipédia)