Lavergne Roger

" Je suis l’ainé de trois garçons nés des amours entre Germain Lavergne et Jeanne Garnier; la maternité se trouvait à La Mure en Isère, village situé sur la Route Napoléon. Au sortir du fond de la mine d’anthracite où il travaillait durement et dangereusement, papa était noir comme du charbon. Seule, une douche communale lui redonnait sa couleur leucoderme. Marmaille, j’avais du mal à lire: je me souviens encore des coups de règle que m’appliquait sur les doigts notre institutrice, pour que j’y arrive. 

Trois ans, par classes successives, j’eus le même instituteur qui par la science des mots conforta mon affection pour les plantes. Ma mère, savait-elle lire? Je ne le sus jamais! D’être soumis à un milieu familial peu intellectuel, mais surtout manuel, mes notes ne furent jamais mirobolantes: avec un travail acharné, je réussissais néanmoins à acquérir un peu plus que la moyenne; j’ai encore mes carnets de notes, de l’école primaire et du collège. Au lycée de La Mure, où je me rendais à bicyclette, nous fûmes seulement trois à réussir du premier coup, le premier baccalauréat. Pour le second bac, je fus pensionnaire au Lycée Stendhal de Grenoble. Je resterai dans cette ville pour mes études supérieures: le patron du laboratoire de géologie voulut me garder pour faire un D.E.A, un diplôme d’études appliquées, puis une thèse, il en fut de même du responsable du labo de zoologie; à tous les deux, je leur dis me réserver pour la botanique. Ayant fini mon certificat de botanique, je demandais à son mandarin, Paul Ozanda, si je pouvais continuer dans cette voie: sa réponse me crucifia : « Je ne veux pas de poète dans mon laboratoire ».

Ayant réussi, en 1968, le CAPES (certificat d’aptitude au professorat dans l’enseignement secondaire), je partis alors en coopération au Sénégal, ce qui me donnera à l’évidence la nostalgie des tropiques. J’achetais aussitôt la Flore du Sénégal de Jean Berhaut, pour mettre un nom scientifique sur les plantes nouvelles que je rencontrais et photographiais.

C’est le 1er septembre 1975 que j’arrivais, avec ma petite famille, à Saint-Denis de l’île de La Réunion : mon épouse Geneviève avait alors 31 ans, moi 30, notre fils Christophe 5 et notre fille Véronique 2 ans.

Je pus enseigner au Collège Juliette Dodu comme professeur de sciences naturelles. Au Ministère de la Coopération, mon affectation porta la mention « Académie des Antilles-Guyane »: ben voyons, le ou la fonctionnaire de ce ministère connaissait bien sa géographie! t t 16 17 Je me mis presque aussitôt à dessiner les plantes, ornementales ou comestibles de préférence, de les mettre en herbier, de solliciter à l’Université, le Professeur Thérésien Cadet, pour quelques déterminations, puis à écrire des articles qui furent tout de suite, quotidiennement, acceptés au Journal de l’île de la Réunion, le JIR. Mes ‘’papiers’’ deviendront des livres: Fleurs de Bourbon. Thérésien Cadet, l’enfant du pays, préfacera d’ailleurs, les deux premiers tomes; cette publication ira jusqu’à 10 volumes, que j’aurais bien aimé poursuivre jusqu’à 13.

Mes écrits ethnobotaniques ayant suscité un vif intérêt, même auprès du botaniste tropicaliste Francis Hallé, demeurant à Montpellier – ville où fut créé, en France, le premier jardin botanique – c’est donc, sous son autorité, que je fis un D.E.A, puis soutins une thèse sur Tisaneurs et plantes médicinales indigènes de l’île de La Réunion, en 1989 ; j’avais alors 44 ans.

À ces premiers livres, bien d’autres suivirent, et peut-être suivront." 

Roger Lavergne